Rimbaud, Truffaut, vies poétiques
dans Le nouveau blog littéraire de Pierre Ahnne

«Le pari de Franzosini est de tirer de cet épisode quasi hypothétique tout le possible, en se gardant de broder pour compléter comme il le faisait dans les deux autres ouvrages. Il y parvient grâce à sa technique habituelle, toute en contours, détours, annexes, parenthèses et érudition malicieuse. Explorant en détail la vie à Milan à l’époque où Rimbaud y serait passé, troussant la comédie que fut l’érection d’un buste du poète à Charleville, s’attardant sur les aventures de l’inénarrable Paterne Berrichon, le beau-frère posthume…»

 

On se souvient que l’écrivain italien a mis au point une méthode singulière, qu’il appliquait dans Monsieur Picassiette et dans Bela Lugosi: au lieu, comme le fait le roman biographique, de tirer la fiction vers la biographie, il conduit (c’est bien plus troublant) la biographie dans les régions où celle-ci touche au fictif. Ici, la méthode est pourtant assez différente… En 1875, année du renoncement à la littérature, Rimbaud, au cours de ses incessantes pérégrinations, passe deux mois à Milan. Il y aurait été recueilli et logé (voire plus) par celle que Verlaine nomme une «vedova molto civile». On n’en sait pas davantage. On ne sait rien, en fait. Notre auteur ne cesse de le dire: «De la même façon qu’on ignore la durée exacte du séjour (…), on ne connaît pas non plus les raisons exactes…»; «Nous n’avons aucune idée de la façon…»; «Les documents (…) sont à peu près inexistants, les témoignages et les comptes-rendus (…) rares (…), vagues, imprécis, insatisfaisants»… Le pari de Franzosini est de tirer de cet épisode quasi hypothétique tout le possible, en se gardant de broder pour compléter comme il le faisait dans les deux autres ouvrages.

 Il y parvient grâce à sa technique habituelle, toute en contours, détours, annexes, parenthèses et érudition malicieuse. Explorant en détail la vie à Milan à l’époque où Rimbaud y serait passé, troussant la comédie que fut l’érection d’un buste du poète à Charleville, s’attardant sur les aventures de l’inénarrable Paterne Berrichon, le beau-frère posthume…

À force de pressurer et d’évider ainsi un sujet déjà plus que mince, l’écrivain italien finit par le réduire, avec celle qui en est le centre, à «cette consistance incertaine que seul possède un fantôme». Il en résulte pourtant un livre. Et peut-être la plus parfaite allégorie de la biographie comme art de l’impossible… Les traces d’une vie, à force d’être scrutées, n’en viennent-elles pas toujours à se brouiller et se perdre?

16.05.2023

Edgardo Franzosini

Edgardo Franzosini (La Valletta Brianza, 1952) est un écrivain, biographe et traducteur italien. Il a écrit des œuvres biographiques libres et érudites sur Raymond Isidore dit «Monsieur Piquassiette», Arthur Rimbaud, l’acteur hongrois Bela Lugosi et le sculpteur Rembrandt Bugatti.

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